Ouranos, ou les trois fonctions de la religion dans l’État

Les relations tumultueuses et ancestrales entre pouvoir armé, propagande et domination des masses
L’ouvrage remet en place les fondements mythiques des premiers États-Nations, depuis Sumer, leurs développements historiques, leurs rôles respectifs dans l’exploitation de la main d’œuvre et dans l’accaparement des terres, des biens et des ressources.

Entrée :

À quoi sert la religion ? 

Quel est son rapport avec la spiritualité ? La différence entre les deux est-elle que l’une n’existe que dans un État et l’autre ne peut s’épanouir qu’en liberté ?

Il existe toutes sortes de religions. Polythéismes, dualismes, monothéismes, c’est en général par le nombre de leurs dieux qu’on les différencie. Quand il n’y en a qu’un, on sait à quoi s’en tenir ; mais quand il y en a plusieurs, où s’arrêter ? La notion de dieu se perd dans une conception de la sacralité étendue à toutes les choses visibles et invisibles de l’univers. C’est une conception qui semble convenir aux sociétés non étatisées, où l’esprit jouit de toute sa liberté. Les États en revanche ont une préférence marquée pour le monothéisme et/ou le polythéisme hiérarchisé.

Dans un État, la religion a trois fonctions :

– la sacralisation du pouvoir ;
– l’aliénation des consciences ;
– la mythification du réel et de l’histoire.

Vue à travers ces trois fonctions, la religion apparaît comme au service de l’État.

L’État, si l’on en croit les auteurs classiques, connaîtrait trois types de régimes politiques, ou formes de gouvernement : la monarchie, l’oligarchie, la démocratie.

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Sortie :

Il ne sert à rien de démonter un mensonge théologique...

... si ce n’est pour montrer comment il s’est converti en technologie du mensonge.

En feignant de nous relier à l’absolu, c’est à l’État que la religion nous a aliénés.

Cependant, on entend de plus en plus dire que les États, après Dieu, sont morts, et que l’économie est la nouvelle religion.

Double erreur.

Puisqu’il s’agit de religion, simplifions. C’est quand même moins compliqué que la politique.

La religion, c’est de croire en un Dieu bon. L’économie, c’est la guerre. Il n’est pas vrai que la liberté de commercer soit répartie universellement de façon égalitaire. Guerre et commerce sont les deux faces de la même prise de pouvoir sur la vie des gens. Le Dieu bon auquel on croit, c’est l’État « qui nous protège » des méchants. La religion, c’est de croire que l’État est bon et qu’il nous protège – contre nous-mêmes !

La preuve qu’une majorité y croit est reconduite d’élection en élection.

La preuve qu’une majorité veut l’État, c’est qu’à la seule idée de sa disparition, la plupart des gens éprouvent la peur du vide. C’est la même peur que celle d’un monde sans Dieu jusqu’à la Révolution.

Dans le transfert des fonctions de la religion à l’État sans religion, l’État est devenu l’Un au-delà duquel il semble qu’il n’y ait rien. C’est lui que le peuple voit à la place de soi quand il se regarde dans le miroir de la politique. Par le jeu de cette politique il se raconte une histoire qui n’est pas celle de sa lutte pour reprendre le pouvoir sur lui-même, mais la théâtralisation de sa mystification. L’État peut y vérifier l’efficacité de son dispositif aliénant : substituer à la diversité réelle du peuple une multiplicité factice, celle des partis facteurs de division paralysante.

C’est la mathématique de la religion réinvestie dans la politique.

Ouranos est une introduction à cette mathématique. Cronos, qui lui fera suite, en décortiquera le fonctionnement.

Il faut trois choses pour faire une religion :

un objet de croyance : on l’appelle Dieu, d’autres y ajoutent le diable : c’est la béquille du monothéisme.
des gens qui y croient : des croyants qui peuvent devenir des dévots ou des fanatiques.
et, entre les deux, des gens qui y font croire : un clergé, une église, des chapelles, des sectes.

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Critique dans Ballast : Cartouche 5 ; 

Ouranos ou les trois fonctions de la religion dans l’État, de Jean Monod

 Si elle prend forme dans l’anthropologie des années 1970, la pensée de Jean Monod est aujourd’hui aux antipodes d’une réflexion qui se laisserait cantonner aux cloisonnements d’un genre universitaire. En lisant le présent livre, on se rend compte assez vite qu’on embarque dans le sillage d’une pensée au long cours, aussi rigoureuse qu’élargie, comme si le travail de la pensée consistait avant tout à interroger des connaissances laissées à l’abandon. 

Si Jean Monod se livre à une analyse de l’État, des idées et des mythes qui servent à en masquer les points aveugles et, plus encore, les tromperies conçues pour en masquer la violence, il a le courage d’élargir au maximum le spectre des connaissances historiques et d’affronter, sur quatre millénaires, le foisonnement des peuples et civilisations. Son analyse de l’État s’appuie donc autant sur l’histoire des Iroquois que des pharaons d’Égypte, des peuples sémites que des Sumériens qui développèrent ensemble la « civilisation étatique », 2 300 ans avant Jésus-Christ. Pourtant, le travail théorique reste clair, porté par une langue rigoureuse et belle, avançant par « éclats ». 

Les formes historiques prises par les États grecs et romains sont analysées parmi beaucoup d’autres pour mieux révéler ce mythe contemporain qu’est la démocratie : « Notre nouvelle « Mère à tous », la République, aurait restauré l’ancienne démocratie. » À partir de là, « voter est moins un acte démocratique qu’un rite de désistement sacrificiel », et « la croyance dans l’État protecteur est un fait de dévotion ». Autant de postulats inattendus ou même inédits qui ébranlent, à force de logique et de cohérence, cette part de croyance qu’on peut encore avoir pour le fait politique. Et un travail d’autant plus salutaire à l’heure où surgissent, en France comme en Europe, tant d’appels à sauver des Républiques qui seraient menacées. [T.B.]

ISBN
978-2-919539-08-6
Prix
12 €
Nombre de pages
160
Longueur
21 cm
Largeur
15 cm
Épaisseur
1 cm
Poids
222 g
Un livre de...
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