Après le déluge. Le mythe de la catastrophe salvatrice
https://blogs.mediapart.fr/jean-monod/blog/090818/le-mythe-de-la-catastrophe-salvatrice
Les mythes ont deux faces : l’une, ostensible, tournée vers la foule, comme un miroir plus profond qu’elle ; l’autre cachée, dont les mystères recèlent des trésors où les meneurs d’hommes puisent leurs scénarios.
Le mythe du Déluge est une histoire de l’humanité recommencée. On peut le voir des deux côtés. Sa face cachée montre comment des guerres de conquête ont été travesties en cataclysmes surnaturels.
« Après nous le Déluge ! » disent ceux qui mettent les bouchées doubles avant le prochain cataclysme. Mais qu’y aura-t-il après le Déluge ? Autant demander : « Qui sera sauvé ? »
Il y a des mythes de Création, des histoires de Déluges et des prophéties annonçant la Fin du Monde. Mais y a-t-il un mythe qui raconte tout cela ? Du commencement à la fin, du Chaos à l’Apocalypse ? À supposer qu’un pareil mythe existe, est-ce que cela ferait une seule histoire, valable pour tous les humains, une histoire universelle de l’humanité ?
Pour Jean Monod, les mythes “catastrophistes” peuvent se décliner sous quatre combinaisons, au moins :
– l’annonce de la catastrophe, notamment écologique (discours effondristes, apocalyptiques, où les propagandes officielles prennent soin devant leurs populations d'ignorer les guerres comme catastrophes, mais insistent au contraire sur le non-directement humain, comme une fatalité universelle ou cosmique à laquelle il serait impossible de résister à la mesure des individus, à laquelle il faudrait nous préparer, s'adapter en anticipant les dégâts et l'éventuelle résilience des survivants, toute une littérature, toute une filmographie abonde dans ce sens prédictif que Jean Monod considère, sinon délirant, du moins très complaisant avec les systèmes en place, responsables eux-mêmes de ce fameux “Effondrement”, provoqué par les descendants des mêmes familles qui avaient déjà fabriqué “la Croissance” ou “les Lumières”) ;
– la conséquence intrinsèque du précédent, c’est que toute catastrophe annoncée prépare les masses à leur propre extermination, massive (les exemples historiques sont inépuisables) ;
– les scénarios politiques des États rivalisant entre eux pour conserver ou s’approprier les ressources vitales : les révolutions sont d’autant plus mythiques qu’elles masquent toujours la permanence des systèmes de gestion de masses, seuls les modes de gouvernances, ou les régimes politiques, peuvent éventuellement changer, sans jamais transformer les modes alimentaires, la façon de cultiver, l’accès au sol, à l’eau, au savoir intergénérationnel, etc. ;
– le fait, intangible, que tout mythe antique pose le principe d’inégalité : aucun des mythes premiers ne s’embarrasse de concepts autour de la démocratie. Les mythographes d’autrefois ont systématiquement (re)présenté les rois et les héros obéissant aux lois divines comme les sujets se trouvaient sommés d’obéir à leurs chefs et à leurs souverains. En revanche, dans les mythes nés avec les siècles de l’ère industrielle, assoyant le progrès et la modernité, il est facile de constater que l’obéissance à l’autorité a progressivement pris la place de la hiérarchie entre prêtres et fidèles. »
978-2-919539-09-3
21 €
352
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